Langue de poésie, langue de chair, car c’est en poésie que la langue se fait chair et la chair ne se manifeste que dans la langue, jusqu’à fusionner avec elle, en elle, et ne plus distinguer, dans le mot lui-même qui la désigne, le sens de l’organe de celui de la parole.
Les mots d’Henri Brosse sont des organes musculeux sur lesquels et sous lesquels crisse le sens, se déployant et s’avançant comme de minces langues de terre, en forme de vers, de versets et ou de phrases à l’allure de prose. Joignant, à chaque fois, l’intuitif à un esprit en alerte, simultanément chancelant et tenace, mélancolique et résolument dans l’espoir, interrogatif et volontairement incertain, tendre et coléreux, résistant contre les érosions du temps et de la maladie. Ça griffe et ça caresse, comme le dit Sergueï Essenine dans l’épigraphe placée en tête du livre, après laquelle s’ouvrent immédiatement ces phrases donnant sens à tout ce qui va suivre : « Lorsque les fonctions vitales du corps s’effondrent et qu’on touche le fond de la perte, alors la lucidité s’accroit. » Henri Brosse cite Antonin Artaud : « Et dans notre corps, nous sommes seuls ». Une solitude qui fait la singularité et l’indépendance du poète.